Quand j’ai vu ma copine Jessica, quelques jours avant la date de mon terme, elle m’a dit “Donc la prochaine fois que je te vois t’es maman, t’as un enfant quoi !”. C’est à ce moment là que j’ai senti ma première angoisse de mère.
Après avoir passé une grossesse idyllique (on met de côté les nausées des 3 premiers mois) j’appréhendais le jour J. Je le savais déjà, au fond, la maternité n'était pas et ne serait pas innée chez moi. Ce n’était pas un besoin qui me hantait depuis des années, ni l’aboutissement d’une vie de couple heureuse. C’était une étape de plus, j’en étais contente sans être extatique.
C’est dans cet état d’angoisse grandissante, la peur de “l’après”, que j’ai perdu les eaux à 7h du matin le 29 août 2017. J’entre dans un état semi-conscient où je ne suis plus trop sûre de ce que je dois faire. On prépare les affaires mais je suis inquiète des contractions qui ne viennent pas.
A la maternité on me dit que tout va bien. Je patiente donc en salle de travail. Comme quelques heures plus tard il ne se passe toujours rien, on me propose d’aller marcher. Il fait une chaleur à crever. A la nuit tombée toujours rien, pas de contractions. Mon conjoint rentre se reposer, on me propose de l’appeler quand les choses sérieuses commencent. Seule, remontée dans les étapes, je me souviens me dire que c’est bizarre quand même ces contractions qui ne viennent pas. J’essaie de me rappeler mes cours de préparation à l’accouchement mais rien ne me vient à ce sujet.
Vers minuit les contractions démarrent. Je dois les minuter, petit sport auquel toutes les futures mamans s’adonnent. Jusqu’à peu, j’avais encore la note dans mon téléphone qui listait les heures de contractions. On me dit qu’il faut qu’elles soient espacées de 10 minutes et “régulières en intensité” pour appeler la sage femme.
Et là, commence pour moi la grande interrogation… J’ai 3 contractions d’affilée, séparées de 10 minutes mais la première est forte puis l’autre est légère puis l’autre forte. J’appelle ? Ensuite il ne se passe rien pendant 30min. Bah non je n’appelle pas alors. Puis des contractions, mais plus espacées cette fois, on ne peut plus irrégulières en intensité. Bref c’est l”anarchie.
À 3h j’appelle au bluff. Je dis ce qu’on m’a dit de dire. Je préviens mon conjoint. Jusqu’à 7h du matin les contractions s'intensifient mais je n’arrive pas à m'empêcher de les trouver bizarres. On me met la péridurale. Mon col se dilate progressivement, lentement, toutes les heures. On me pose une perfusion d’antibiotiques car j’ai perdu les eaux il y a plus de 24h.
En termes d’ouverture de col, la sage femme me dit que ça progresse doucement mais sûrement. Elle est plus embêtée de la position de Marcus. Il regarde en l’air, les étoiles comme on dit. Elle décide de m’installer dans différentes positions toutes les heures pour le faire bouger. À chacune de ses visites, il s’est basculé, mais trop ou pas assez. Puis vient la stagnation. Il est quelque chose comme 18h, je suis à 7 cm depuis deux heures, ça ne progresse plus.
On me pose une poche urinaire pour que la vessie ne gêne pas. Marcus n’est toujours pas dans la bonne position. On commence à parler de manoeuvre de retournement. L’externe, puis l’interne, puis le chef de service s’y essaient.
À chaque fois, je dois pousser avec leurs bras à l’intérieur de moi, pendant qu’ils essaient de faire pivoter Marcus.
Aux dernières tentatives, je suis épuisée, je pleure, je me souviens m’être dit que c’était violent. Je savais aussi ce que voulait dire de ne pas y arriver...
L'infirmière anesthésiste passe à ce moment là. Tous les médecins et la sage femme sont sortis. C'est elle qui prononce le mot en première. Je suis inquiète, elle le voit.
Elle me dit, "vous avez peur de la césarienne, c’est ça ?" Je réponds "oui". Comme si tout d’un coup je l’envisageais.
Elle me répond : "Si c’est ça, il ne faut pas vous inquiéter, on sera à vos côtés".
Il est 19h et quelques, 36 heures après ma perte des eaux, c’est le médecin chef qui me l’annonce. Ils sont inquiets car je fatigue et le bébé aussi, je ne suis qu’à 7 cm et il ne se présente pas dans la position optimale. Ils décident donc de faire une césarienne d’urgence.
Tout s'accélère. On me dit que mon conjoint pourra être avec moi, comme un cadeau qu’on me fait. "J’ai discuté avec le médecin il est d’accord pour que votre conjoint soit présent". Super !
On rentre dans la salle, il y a beaucoup de monde, l’infirmière anesthésiste m’explique tout et me présente à tout le monde. Je ne retiens rien, ou si peu.
19h36 Marcus sort.
J'ai rarement prononcé la phrase “J’ai accouché à …” ou “J’ai mis au monde...”. Marcus est sorti, ou il est né. Impossible pour moi de prendre le crédit d’une action qui a été celle de médecins.
Quoiqu’il en soit Marcus est né. On me le pose sur le torse, je ne peux pas faire grand chose à part le regarder mais très vite il part avec son père. Le ballet continue. L’interne anesthésiste me donne tout un tas de recommandations (ou est-ce que c’était avant la naissance ?) je n’en retiens aucunes. Je ne comprends pas grand chose de ce qu’il me dit. Je me demande combien de temps ça va durer ou comment va Marcus. L’infirmière anesthésiste, mon guide depuis le début de cette aventure, revient avec une photo prise en salle d’examen. Mon conjoint fait du peau à peau avec Marcus. Ils sont beaux. Elle me dit “Il est marrant votre mari, il lui chante du Bob Marley”. Je me souviens me dire “Ça y est, lui est papa”.
On remonte en chambre, tétée d’accueil, etc.
J’attends le tourbillon d’amour qui est censé m’emporter mais il ne vient pas.
On me fait le soin pour la césarienne, et je pose une question débile à l’infirmière : “Quand est-ce que je pourrais reprendre la piscine ?”. Elle me regarde bizarrement, l’air de me dire que c’est pas forcément les préoccupations que je devrais avoir. Elle me répond quand même que compte tenu de la césarienne il faudra être patiente.
Arf bah oui c’est vrai la césarienne, je suis bête.
Plus tard dans la soirée je veux me lever, je m’apprête même à le faire. J’ai un gros doute. Un vague souvenir de l’interne aux recommandations interminables. J’appelle le poste de soin. “Ah non madame, vous n’avez pas le droit de vous lever vous avez eu une césarienne, en plus vous avez votre poche urinaire, le premier lever se fera ensemble demain matin”. Arf cette satanée césarienne qui ne veut pas s’intégrer dans mon esprit.
Le séjour à la maternité est interminable, rallongé par le fait que “comme vous avez eu une césarienne”. On doit me rappeler systématiquement mes bas de contentions, je n’y pense jamais.
J’attends toujours cette vague d’amour, décidément elle est bien longue à venir.
Finalement on rentre à la maison, le baby blues, puis dépression post partum. Toujours pas de vague.
La gynéco, la sage femme, le médecin généraliste :
“Vous penserez bien à masser votre cicatrice”.
“Oui oui…”.
Je ne le fais jamais, pas le temps, pas envie de me pencher sur cet épisode. J’occulte cette césarienne, je l’oublie. Ce qui me préoccupe c’est cette difficulté maternelle, c’est l’allaitement qui est compliqué, c’est de ne pas beaucoup sortir, pas beaucoup dormir. La césarienne c’est le cadet de mes soucis.
Même encore maintenant, l'esthéticienne me la fait souvent remarquer et moi je réponds “ah oui”.
Finalement la vague est venue, et bien venue ! 3 mois après la naissance, après ce fameux 4ème trimestre. Il m’a fallu un petit coup de pouce bénéfique d’un suivi psychologique à la PMI. Ça a été salvateur.
Quand je me dis qu’il y a des chances que mon deuxième enfant naisse par césarienne, ça ne me fait ni chaud ni froid. Ce qui m’inquiète c’est la difficulté maternelle, ce désarroi. C’est cette expérience que je ne veux pas revivre. Pourtant, je sais que cette césarienne fait partie de l’équation imparfaite de ce moment où je ne suis devenue maman dans les faits mais pas dans ma tête.Une réflexion à poursuivre donc.
Mama Aurore
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